Notes : article commencé par le Grincheux lors de mes vacances et terminé par moi... Môssieur avait la moitié du travail et je l'ai terminé, même s'il reste quelques mises en page à faire...
Date de Sortie DVD : inconnue (1h 23min)
Réalisé par : Alfred Werker
Avec : Ida Lupino, Basil Rathbone, George Zucco
Genre : Aventure
Nationalité : Américain
Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles) est un film américain réalisé par Sidney Lanfield, sorti en 1939.
5. Distribution :
3. Sherlock Holmes et la voix de la terreur - Sherlock Holmes and the voice of terror (1942)
4. Sherlock Holmes et l'arme secrète - Sherlock
Holmes and the secret weapon (1943)
Date de sortie DVD : 1 janvier 2012 - en DVD (1h 08min)
Sherlock Holmes, épisode 4 : Cette Arme secrète marque l’arrivée dans la série du réalisateur américain Roy William Neill, qui tournera l’intégrale de la série à partir de ce
film-ci (11 films !). La direction ne change pas franchement, si ce n’est certains plans originaux en oblique dans les fondus enchaînés, sur la forme. Notons que ce réalisateur se sera spécialisé
dans le serial, signant notamment l’improbable cross-over Frankenstein rencontre le Loup-Garou (1943).
Cette direction qui ne change pas, c’est déjà la fausse adaptation d’une nouvelle de Conan Doyle ; pour aujourd’hui, il s’agit de Les hommes dansants (The Dancing Men), récit assez
fascinant dont on se doute tout de suite ce qui sera retenu dans le film : de mystérieux petits bonhommes dessinés apparaissent dans une maison, qui commencent à vriller l’esprit d’une jeune
femme... On ne retrouvera donc que ces mystérieux symboles... qui se transforment en messages codés autour d’une arme convoitée par les nazis ! Rien à voir donc. Il aurait donc été plus honnête
d’écrire "Inspiré par" plutôt que "Adapté de", tellement la situation de l’époque transpire et s’impose sur le matériau d’origine.
Sherlock Holmes démarre directement dans le déguisement, d’un vieux marchand de livres proposant sa camelote à deux individus assez louches... ah ! Les fameux nazis ! Mais c’est une couverture
évidemment, qui force le trait de cette belle mise en abîme en introduction. L’objet de toutes les attentions est le viseur Tobel, du nom de son inventeur, chez lequel se rend d’ailleurs Holmes,
sitôt le rendez-vous terminé. Réussissant à contrecarrer les plans des fielleux nazis, ils s’envolent pour une Londres dévasté par la guerre, jusqu’au seuil du 221 B Baker Street. Gravas et
briques démantelées plantent un décor de désolation. Une fois le viseur éprouvé par des essais concluants (on y observe toujours les stocks shots de l’armée, qui rapprochent les spectateurs de
leur expérience quotidienne, ou en tous les cas rappellent un danger bien réel, donc plus prenant), le scientifique disparaît, laissant Holmes dans l’embarras avec la fameuse note énigmatique
griffonnée des petits hommes dansants. Des symboles qu’on a bien trop tôt fait d’identifier comme un code, s’alignant bêtement comme sur le canevas d’une lettre, alors que la nouvelle ne livre
pas plus de quelques symboles à la fois, toujours sur une seule ligne, laissant planer le doute beaucoup plus efficacement que dans le film.
On voit aussi, dans le déroulement de l’intrigue, l’apparition troublante de Moriarty, laissé pour mort à la fin des Aventures de Sherlock Holmes, qui plus est sous l’apparence
de l’acteur Lionel Atwill ; c’était George Zucco qui incarnait le nemesis du détective auparavant, alors qu’on avait déjà croisé Atwill dans le premier épisode de la série, Le
Chien des Baskerville, dans le rôle du docteur Mortimer. Un chassé croisé qui ne touche pas à sa fin ici, puisque Zucco apparaîtra l’année suivante dans Sherlock Holmes à
Washington, dans les habits d’un certain Richard Stanley... Une histoire en série à l’intérieur d’un serial à rebondissement !
Comme si le premier déguisement de Sherlock Holmes ne suffisait pas, Ce dernier revient à la charge dans le dernier tiers du film, affublé d’une casquette de marin et de cirage pour simuler une
peau hâlée par les croisières autour du monde... Au-delà de la performance d’acteur (réelle) de Basil Rathbone, le travestissement devient le running gag de la saga, aux dépens du naïf
Watson qui ne reconnaît jamais son bon ami. Pas si éloigné que cela des récits de Doyle, cette transcription fait sens à l’écran et offre les très bons moments d’une saga pour l’instant
inégale.
La (fausse) fin de Holmes, soufflée par lui-même, à un Moriarty finalement loin d’être aussi ingénieux que Holmes (il perd totalement de sa superbe par rapport à sa première apparition, au début
des Aventures de Sherlock Holmes), sonne le dernier round d'un épisode plutôt enlevé. Allez, au suivant !
5. Sherlock Holmes à Washington - Sherlock Holmes in Washington (1943)
Date de sortie du DVD : inconnue (1h 11min)
Réalisé par : Roy William Neill
Avec : Nigel Bruce, Ida Lupino, Basil Rathbone
Genre : Policier
Nationalité : Américain
Pour le cinquième opus de la série Sherlock Holmes au cinéma, les scénaristes envoient le bon détective au Etats-Unis. Et, si l’on n’évitera le côté voyage touristique, à
l’instar d’un Tarzan à New-York (Richard Thorpe, 1942), l’ensemble fait montre d’une très bonne tenue.
Un document d’importance est confié à un agent des services secrets qui donne l’impression d’être un homme ordinaire, voire un peu maladroit. Craignant d’être attaqué lors de son trajet en train,
il se débarrasse du document.
Le film débute donc par une séquence de voyage, en avion puis en train. La séquence du train et très belle, montrant une belle maîtrise de l’espace ; la caméra détaillant chaque passager,
s’arrête sur les discussions toujours spéciales d’amis d’un jour, le temps du trajet. Le subterfuge qui y survient aurait pu trouver bonne place dans un Hitchcock, où il aurait d’ailleurs été
autrement mis en valeur ; mais la confusion ici, qui interroge le spectateur en lui faisant murmurer "Ais-je bien vu quelque chose d’important que les (autres) passagers ne semblent pas avoir
remarqué ?", est assez fine.
On retrouve le thème de la dispersion des éléments comme dans Sherlock Holmes et l’arme secrète ; et, comme précédemment, Sherlock Holmes se retrouve mêlé à une affaire qui
relève entièrement de l’espionnage, plutôt que les crimes mystérieux auxquels il est confronté dans les récits de Conan Doyle. Ce film-ci, pour entériner la rupture d’avec ces histoires, est le
premier du cycle à n’être directement adapté d’aucun texte de Doyle. On ne s’en plaindra pas tellement les dernières adaptations n’avaient d’adaptation que le nom. Et, dans le même temps, Roy
William Neill semble plus à l’aise qu’auparavant, dans la dynamique des scènes elles-mêmes (fabuleuse scène du bal de la boîte d’allumettes) comme dans la liaison des différentes séquences. En
effet, le tout ne manque pas de suspense, élément clé brillant par son absence jusque là, et la partition comique de Watson semble peu à peu prendre tout son sens. Les Sherlock Holmes dévient peu
à peu de l’enquête criminelle vers un cinéma de la comédie policière, Watson offrant un contrepoint naïf et burlesque à un Holmes plus sec.
Roy William Neill illustre l’aventure avec un beau sens du cadre, joue de la nature serialesque du film (le montage des visites aux antiquaires, typique dans leur cadrage en biais, très
graphique). La circulation de la boîte d’allumettes, virevoltant dans un magnifique ballet des hasards, pour retourner dans la poche de son prime propriétaire, préfigure la séquence de la
chaussure de Peter Sellers dans l’immense The Party (Blake Edwards, 1962). Le bad guy du jour, qui s’en sert cinq ou six fois pour allumer sa pipe, dans une séquence au timing
impeccable, ne saura qu’au final la vraie nature de cet accessoire apparemment banal.
Une aventure tout à fait recommandable, avec un Basil Rathbone toujours aussi bizarrement coiffé : c’est ça aussi, l’effet Sherlock...
6. Sherlock Holmes Faces Death - Echec à la mort (1943)
Le réalisateur attitré de la saga bifurque de bien belle manière avec le sixième opus que constitue ce Sherlock Holmes Faces Death ; d’une orientation espionnage, nous
voilà revenu à un whodunnit de la plus belle eau, où les cadavres s’amoncellent inexpliquablement. D’un récit situé à l’époque contemporaine du tournage (1943), Echec à la
mort esquive le fait en beauté pour nous offrir un huis clos dans une demeure ténébreuse faite de recoins en tous genre, de passages secrets, de fantômes, de rafale de vent dans les
rideaux et de personnages dérangés. Roy William Neill laisse également de côté certains de ses tics de mises en scènes pour quelque chose de plus classique, plus juste par rapport au matériau, le
rendant irrésistiblement envoûtant.
Le film est adapté d’une nouvelle de 1893 de Conan Doyle, Le rituel des Musgrave ; adaptation qui surprend par sa (relative) fidélité, compte tenu des épisodes précédents. Mieux
que cela, les ajouts et modifications apparaissent cinématographiquement stimulants. Conformément au récit original, on retrouve Brunton, le majordome des Musgrave, dont le penchant pour l’alcool
va précipiter le licenciement (c’est pour excès de curiosité sur des documents familiaux que la même sentence lui est édictée dans la nouvelle). Qu’est-ce donc que ce fameux rituel ? Un
mystérieux poème que doivent déclamer les héritiers de la famille Musgrave, sans toutefois en saisir aucune signification pertinente.
Le manoir Musgrave sert de centre de repos pour les soldats, ce qui en fait une sorte d’asile où chacun a son petit grain de folie douce : l’un d’eux démêle continuellement une pelote de laine,
un groupe se prend de passion pour les écoutes clandestines... Il y règne donc un subtil parfum de démence générale. Comme contaminée par l’ambiance, l’horloge du manoir sonne parfois treize
coups, annonciateurs d’un meurtre dans les heures qui suivent. Le procédé rappelle Sherlock Holmes et la voix de la terreur et son triste air à la flûte, qui semblait présider à
la destinée funeste des personnages. J'aime bien le titre français, considérant la mort comme un personnage à part entière, celui qui fait sonner ces treize coups et dont le plan ne semble pas
pouvoir dévier...
Si, dans la nouvelle, le morceau de bravoure est une remarquable course d’indices sur la propriété des Musgrave, provoquée par le texte du rituel, le film se concentre sur la valse des suspects,
dont certains perdent la vie en cours de route. L’explication des strophes du poème (par ailleurs totalement différent du livre) n’est pas pour autant laissée de côté ; une partie d’échec à
taille humaine apporte un cachet visuel réjouissant à la séquence. La chasse à l’indice est cependant pour Holmes une route toute tracée, qui ne laisse pas de place au doute. Une autre belle
séquence est celle du corbeau de l’auberge qui est sensible à l’odeur du sang, désignant dans son vol une proche victime : belle et sordide idée.
Autre grande différence d’avec le film, la nouvelle prend pour une fois Sherlock Holmes pour narrateur, en lieu et place de son compère Watson. Le récit prend racine dans les dernières années de
Sherlock Holmes et, Watson croyant tout savoir des enquêtes de son ami, découvre que des affaires antérieures lui sont restées inédite. Ce changement de dynamique bouleverse judicieusement le
canevas type d’un Sherlock Holmes, pour devenir une des meilleures nouvelles du canon Holmésien. Et, une fois n’est pas coutume, le film lui emboîte le pas comme l’une des plus belles réussites
cinématographiques dédiées au détective.
7. La femme aux araignées - The Spider Woman (1943)
Qui est l’insaisissable adversaire de Sherlock Holmes pour cette septième aventure du cycle Basil Rathbone ? Rien moins qu’une femme (une première !), et pas n’importe laquelle. La preuve, le
plus ingénieux des détectives la compare sans tiquer à son éternel nemesis, Moriarty qui, même s'il est absent de cette aventure, s'arrange pour se voir cité.
La fameuse femme aux araignées n'a pas son pareil pour susciter les interrogations les plus folles : le film s’ouvre sur une succession de ce que la presse s’empresse de nommer les suicides
en pyjamas, soit des individus qui se lèvent en pleine nuit pour se jeter de leur fenêtre. Ces faits improbables, mus par une logique bien trop programmatique pour être honnête, ne sont des
suicides qu’en apparence, ce que l’ami Holmes ne tarde pas à découvrir. Le personnage principal de la série a pour le coup droit à une introduction peu commune : alors que les suicides
s’enchaînent, tout le monde s’interroge sur l’absence de Sherlock. Celui-là se la coule douce avec Watson, pêchant sur les bords d’on-ne-sait quelle rivière. Alors que Watson se passionne pour
l’affaire des suicides en pyjamas, Holmes a l’air de ne pas être au mieux de sa forme... s’évanouit et disparaît, emporté par le courant ! Les journaux titrent aussitôt un Sherlock Holmes is Dead
qui n’impressionnera pas le spectateur habituel de la série, mais arrive à susciter quelques interrogations sur la suite à venir...
Dès lors, Sherlock revient en catimini au travers d’un déguisement de postier tout à fait convaincant ; si l’habit y est pour beaucoup, la panoplie habituelle de postiches (perruque, faux
sourcils et barbe) joue aussi sa partie. Un véritable feu d’artifices (d’artifices) tient le premier rôle dans cette Femme aux araignées, car Holmes ne s’en tient pas là : s’en suit sa prestation
honorable dans le rôle de Rajni Singh, noble indien temporairement sans le sou. Et Watson, de son côté, d’être toujours éberlué devant les transformations de son estimé compagnon. Les gags
trouvent leur source, comme à l’accoutumée, des mimiques de Watson, mais pas seulement. Le déguisement de Holmes devenant un running gag présent sur quasiment tous les épisodes, on n’est
pas surpris quand rentre un nouveau personnage dans le champ, suffisamment attifé pour que Holmes puisse se cacher derrière cette apparence trompeuse. Cependant, le spectateur, tout comme Watson,
est pris à son propre jeu quand il découvre qu’il s’agit vraiment d’un nouveau personnage ! Ainsi Watson se ridiculise-t-il encore une fois, lui croyant avoir découvert sous l’habillement d’un
notable son ami. Alors qu’il entreprend de lui retirer sa fausse barbe, il semble qu’elle reste malgré tout bien accrochée ! La séquence en question, bien découpée entre la scène principale et
l’œil amusé (à demi : Holmes n’a pas l’humour facile) du détective, fait montre d’une belle énergie comique.
La fameuse femme aux araignées, Adrea Spedding de son nom de ville, semble échafauder un plan diabolique. Son allure, racée et sophistiquée, et ses objectifs, en font une véritable femme
fatale ; Holmes emploiera lui-même ce terme pour la décrire, raccrochant cet opus du cycle au courant des films criminels de l’époque, qui prendront pour certains le qualificatif de film
noir quelques années plus tard. Comme son titre (et même son générique) ne l’indique pas, le film est adapté d’une nouvelle de Sir Arthur Conan Doyle intitulée La bande tachetée
(The Speckled Band), qui ne conserve décidément pas grand-chose du récit initial. On se demande même s’il s’agit effectivement de cette nouvelle tant rien ne la rattache au film, si ce
l’origine et le mobile du meurtre... Le principal problème du film étant d’éventer tout suspense dès son titre, sans équivoque possible. La bande-annonce lui emboîte le pas pour ne laisser pas
l’ombre d’un doute sur toute l’affaire : c’est quand même bien dommage ! A voir tout de même pour son ambiance bizarre, le défilé des travestissements, le pygmée (qui rappelle l’obsession de la
série pour l’étrange, comme le pied-bot et son air de flûte languissant des Aventures de Sherlock Holmes) et l’araignée, bien sûr...
8. La griffe sanglante :
Avec ce neuvième épisode de la série, le réalisateur Roy William Neill place son film sous le double feu d’influences impeccablement digérées et, se faisant, d’une hausse qualitative déjà entamée
avec le très beau La perle des Borgia. N’en déplaise à Conan Doyle, c’est sur un scénario original que voit le jour cette Griffe sanglante aux bien beaux atours.
Le réalisateur apparaît maintenant comme le véritable auteur de la série, lui qui, en plus de réaliser et produire l’épisode, participe désormais à l’écriture du scénario.
Le film débute sur un plan très graphique, rempli de branches noueuses, d’une brume flottante derrière lesquelles on distingue l’architecture classique d’une église. Dès lors, se déroulera à
l’écran une variation sur les classiques Universal des années 30, du temps où loups-garous, hommes invisibles, vampires et goules occupaient l’écran noir et blanc des salles obscures.
On rencontre Sherlock Holmes lors d’une convention sur l’occulte au Canada, où il fait preuve de son célèbre scepticisme rationnel face à des croyances en des forces surnaturelles. Dans cet
univers tout entier vouer à la croyance en l’invisible, les méthodes de Holmes sont sévèrement critiquées ; il en était tout autrement dans les premiers films de la série, où le gouvernement
anglais chantait les louanges de Holmes pour faire échec au nazisme. On retrouvera par contre beaucoup de similarité avec Le chien des Baskerville, modèle avoué de ce scénario,
dans lequel est utilisé le truc de la peinture phosphorescente, la même dont le fameux chien est enduit pour faire croire à une puissance surnaturelle. De même, la déambulation de Holmes dans de
brumeux marais rappelle immanquablement la lande de Dartmoor.
Au sein de cette séquence sont même citées les affaires du Chien des Baskerville ou encore du Vampire du Sussex, deux enquêtes du détective où se délite une ambiance fantastique. Le simple fait
que d’autres enquêtes soient citées dans le film -une première dans la série cinématographique- rapproche le récit des nouvelles de Sir Arthur Conan Doyle, dans lesquelles il n’est pas rare de
croiser des allusions à des affaires passées, qu’elles fassent ou non référence à des récits écrits par Doyle. L’originalité morbide du film consiste aussi à confier l’affaire à Holmes par
l’intermédiaire d’une morte, en l’occurrence celle qui ouvre le film. Le vocabulaire utilisé tout au long du film se fera également un plaisir de traiter du fantastique à travers vampires,
goules, monstres et fantômes, insistant d’autant plus sur la posture contradictoire et rationnelle de Holmes.
Watson et Holmes citeront également le loup-garou et l’homme invisible, comme par hasard deux fleurons fantastiques de la Universal dans les années 30, pour confronter réalité et fiction. Les
passages dans l’auberge, bondée de poivrots et autres piliers de l’établissement, font clairement référence à ce cinéma-là. De plus, l’humour n’est cette fois plus le seul fait de Holmes, mais
également du personnage original du postier, très burlesque, qui rappellera bien évidemment la tenancière hystérique de l’auberge dans L’homme invisible (James Whale,
1933).
Comme un fait exprès, on remarque au générique la présence de John P. Fulton, directeur photo sur le film, ayant précédemment œuvré sur rien moins que
Frankenstein, La momie, L’homme invisible ou encore le sommet de James Whale, La fiancée de Frankenstein. Les cadres et la
lumière sont extraordinaires. Minimisant les sources de lumières au possible, Fulton découpe ses personnages à la serpe, les cloisonnant dans un noir de jais, ténébreux et effrayant. Jamais
auparavant aucun Sherlock Holmes n’avait fait preuve d’une telle tenue visuelle, Alton étant également très habile dans l’exécution de plans composites, faisant se combiner plusieurs éléments
disparates (brumes, caches, décors peints) et de véritables effets visuels. La suite de sa carrière montera crescendo en puissance, travaillant pour Hitchcock (et notamment son chef d’œuvre
plastique, Vertigo) ou sur la superproduction des Dix commandements par DeMille (le passage de la Mer Rouge, c’était lui !).
Renouant avec une tradition fantastique et éludant judicieusement la contemporanéité de l’intrigue, La griffe sanglante est le sommet des aventures de Sherlock Holmes jusque là.
10. La maison de la peur - The House of fear (1945)
Capitalisant sur la réussite totale de La griffe sanglante, Roy William Neill continue, pour cette dixième aventure du duo Holmes / Watson, dans la peinture d’un univers
gothique, l’intrigue se déroulant uniquement dans un manoir et sa lande proche. Le Canada de La griffe sanglante devient ici l’Écosse, accents compris. On y retrouve le brouillard, la pluie qui
tempête sur les carreaux, les bourrasques de vent qui tourmentent les lourds rideaux, les coins, recoins et autres passages secrets qui animent les plus belles réussites du cycle, du
Chien des Baskerville jusqu’à La perle des Borgia.
Neill adapte cette fois la nouvelle Les cinq pépins d’orange (The Adventure of The Five Orange Pips), dans laquelle la mort des personnages leur est annoncée par un
courrier contenant les pépins d’orange.
Comme souvent, le scénario ne conserve du récit de Sir Arthur Conan Doyle que son objet mystérieux, pour bâtir autour de celui-ci un fil rouge s’inspirant des Dix petits nègres, et de toute l’œuvre d’Agatha Christie ; les membres d’une fraternité décèdent en effet peu à peu dans d’étranges circonstances, chacun ayant reçu l’enveloppe mortelle.
On observe régulièrement dans le cycle cette façon de procéder, qui consiste à faire connaître à la future victime son sort funeste par avance ; le pied-bot de La voix de la terreur, ou encore l’horloge de Échec à la mort ont auparavant occupé les mêmes fonctions que l’enveloppe et ses pépins d’orange.
Comme Échec à la mort, le film s’inscrit dans la tradition d’un Cluedo assez jouissif ; l’intérêt trouve sa source, comme à l’accoutumée, plus par l’ambiance délétère, entêtante et fascinante,
que par le strict contenu de l’intrigue policière. Le film, tout entier en huis clos, fait la part belle au vieux manoir de Deercliff, les personnages semblant y être prisonniers de ce qu’ils
considèrent comme une malédiction.
Pas de déguisement cette fois-ci, mais une panoplie de personnages que l’on suspecte, à la manière de Sherlock Holmes, tout autant les uns que les autres. La bonne, grave et l’œil théâtralement
mauvais, attire particulièrement l’attention, elle qui apporte, tel un malsain rituel, l’enveloppe aux hôtes attablés, faisant de chaque découverte des pépins un spectacle morbide. Chacun regarde
l’autre aller au devant d’une mort certaine, priant pour ne pas être le destinataire prochainement décédé de la mortelle missive.
La parenté avec les films de monstres de la Universal, si elle est moins évidente que dans La griffe sanglante, est néanmoins bien là : le film fut à l’époque proposé en double programme avec
La malédiction de la momie (1944), une des nombreuses suites de La momie avec Boris Karloff ; notons également que l’on peut apercevoir lors d’une scène la canne
qui a servi dans Le loup-garou (1941), autre fleuron Universal qui sera revu et corrigé par la Hammer dans les années 60.
Si le film s’oriente rapidement vers une intrigue typique du whodunnit, comme on l’a souligné, le récit original préfèrera creuser la signification des pépins d’orange, pour une
découverte vraiment différente de celle du film.
Encore une fois, et pour un résultat bien plus probant que les épisodes contemporains du cycle, le huis clos permet d’éviter de faire montre de situations et d’objets trop réels et actuels, pouvant rappeler la guerre à peine terminée lors de la sortie de The House of Fear ; on se souvient de Sherlock Holmes et l’arme secrète, où l’on découvrait l’appartement du 221 B Baker Street de Londres, menacé par des montagnes de gravas de toutes parts.
Partir de Londres (comme dans Sherlock Holmes à Washington ou La griffe sanglante) est une alternative intéressante permettant de renouveler la série (c’est dans cette deuxième moitié d’épisodes que l’on trouve les plus beaux films de la saga), pour un suspense toujours efficace.
Rappelons que les films ne font qu’une 1h05-1h10, témoignant d’une économie de moyens ne sacrifiant rien à l'impact visuel, et d’un brillant sens de la narration. Une nouvelle réussite à mettre au crédit de Roy William Neill !
11. La Femme en vert - The Woman in green (1945)
Douzième et antépénultième opus de la série, Sherlock Holmes and the Woman in Green marque une nouvelle apparition de l’ennemi juré, l’égal de Holmes ayant basculé vers le côté obscur, j’ai nommé
Moriarty. Après George Zucco dans Les aventures de Sherlock Holmes, Lionel Atwill dans Sherlock Holmes et l’arme secrète, c’est Henry Daniell, solide acteur
britannique, qui endosse le rôle. Récurrent de la série, l’acteur aura joué dans Sherlock Holmes à Washington et La voix de la terreur, avant d’accéder au top du méchant. Sa composition, emplie
d’une retenue glaçante et imprimant le danger sous-jacent dont il peut être capable, est parfaite. Il se positionne en adversaire clairvoyant sur les capacités de Holmes à le contrecarrer, ce
qu’aucun autre opposant n’aura l’idée de le faire. Premier bon point.
Deuxième atout, et non des moindre, en la personne de cette mystérieuse femme en vert (la grande blague du film, tout de même, car il n’est jamais fait mention d’un quelconque accessoire de cette
couleur), véritable femme fatale jouant des cils pour s’acoquiner avec les riches seniors. Les yeux calculateurs, elle couve un complot retors... Holmes, la découvrant dans un bar et soulevant sa
beauté, n’est pas dupe de son manège. Par le biais d’une remarque préfigurant le magnifique Quand la ville dort : quand celui qui l’accompagne au bar lui dit "Elle accompagne son
père, le gentleman détective réplique : "Ne soyez pas si naïf...". Dans The Asphalt Jungle de John Huston, Marilyn Monroe sort avec Louis Calhern, assez vieux pour être
son père, qu’elle appelle "mon oncle"... Le spectre du film noir s’abat ainsi sur cette Femme en vert de très bon aloi. Lydia, dans La femme en vert, est interprétée par l’actrice Hillary
Brooke... qu’on avait déjà croisé dans un Sherlock Holmes précédent : hé oui, elle jouait le rôle principal dans Echec à la mort. Décidément, le monde du détective est bien
petit, et les changements des rôles dignes des chaises musicales. On pense également à Gale Sondergaard, qui interprétait la Femme aux araignées (et donnait son titre au film,
comme ici), qui semble jouer d'égale à égale avec Brooke.
Le film aborde le thème de l’hypnose, angoissant et fascinant quand il est bien exploité : avec la séquence de l’hypnose de Watson, et celle, tentée de Holmes, le pari est réussi sur tous les
plans. Les effets optiques, jouant sur la persistance rétinienne, ou le magnifique plan de miroir, est le signe d’une production bien plus ambitieuse qu’à l’accoutumée : on retrouve en effet le
grand John P. Fulton aux effets photographiques, qui élèvent clairement la tenue esthétique du film vers le haut. Assumant la dimension film noir, Roy William Neill cadre des images contrastées,
réduisant les sources d’éclairages pour découper les personnages dans un univers fermé et sombre, tout entier lié au cheminement mental, rationnel et froid du génial détective.
Enfin, Neill achève la filiation avec le film noir, commune à d’autres films du cycle tel La femme aux araignées, par l’intermédiaire d’une voix off : un narrateur nous guide
dans cette enquête, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est ni Watson (narrateur de nombreuses aventures chez Conan Doyle) ni Sherlock Holmes, qui a parfois pris ce rôle
également. Il s’agit de l’inspecteur en charge de l’affaire qui, ne trouvant aucune autre solution, demande l’aide de Holmes, ce super-héros de l’intellect. Accompagnant les images d’une voix
ténébreuse, il arrive à faire démarrer le malaise du spectateur en annonçant par le menu les méfaits du meurtrier de cet épisode : des femmes sont retrouvées mortes, avec l’index tranché,
mutilation effectuée post-mortem.
Sophistiqué, à l’ambiance pesante bien retranscrite, Sherlock Holmes et la femme en vert remonte la pente qualitative vers laquelle Mission à Alger avait amené la série.
13. Le train de la mort - Terror by night (1946)
L’avant-dernier film du cycle Holmes de Rathbone partage cela avec La femme en vert qu’il fait partie du domaine public (tout comme Sherlock Holmes et l’arme
secrète et La clef, le tout dernier). Ainsi, nombre d’éditeurs ont pu sortir ces films sur DVD sans s’acquitter de droits. La plupart de ces éditions étant exécrables, à
la différence de l’intégrale publiée en 2008 par France Télévisions (qui utilisait alors les masters restaurés fournis par UCLA et CBS). Dernièrement, c’est Wild Side Video qui se lançait dans ce
type d’opérations avec ses Vintages Classics, des films provenant uniquement du catalogue public. Si Le train de la mort a quelque chose à voir avec la réussite de la femme en
vert, c’est uniquement par cet parenté législative.
Thématiquement, Le train de la mort se rapproche d’un épisode bien moins reluisant que La femme en vert, Mission à Alger. Remplacez le bateau par un train, le Prince que Holmes
et Watson doivent escorter par un bijou, le diamant de Rhodésie, et vous aurez une vue assez exacte de ce que donne le film.
On a un peu de mal à comprendre pourquoi Holmes accepte de jouer au coffre fort ambulant, lui qui doit protéger l’acheminement du diamant, autrement que pour tromper la lassitude qui le gagne
entre deux enquêtes. Le film se passera ainsi quasi-intégralement au bord du train, ce qui n’est pas un défaut en soi : rappelons-nous d’Une femme disparaît (Alfred Hitchcock,
1938) ou L’énigme du Chicago Express (Richard Fleischer, 1952), en tous points remarquables. On fait un tour sur l’ensemble des passagers, tous louches à n’en plus finir (comme
dans ces cartoons de Tex Avery où les méchants ont tous l’œil sournois et regardent par en-dessous). Le problème, c’est qu’on a toujours une demi-heure d’avance sur l’intrigue, et que la valse
des suspects est si ininterrompue qu’on se désintéresse vite des destinées de ce petit monde.
Parmi ces suspects, on remarque tout de même Frederick Worlock, auparavant Premier Ministre dans Mission à Alger et Onslow dans La femme en vert ; c’était lui
aussi, le comploteux Geoffrey Musgrave dans Échec à la Mort ! Il incarne dans Le train de la mort un professeur de mathématiques irritable qui pourrait bien être le complice de
feu Moriarty...
Mais c’est Gerald Hamer, dont la tête nous revient tout de suite, qui est peut-être le plus visible de tous les personnages dans les autres opus de Sherlock Holmes ; on se rappelle de lui au tout
début de Sherlock Holmes à Washington, agent secret en couverture, dégoulinant de sueur devant la dangerosité de sa mission. La même année, on le voit dans Echec à la
mort, puis plus tard dans La griffe sanglante et Mission à Alger : une tête bien reconnaissable dans le cercle des acteurs habitués de la série. De
films en films, indépendamment de leurs qualités, le jeu et la jouissance du spectateur sont aussi celle-ci, de se surprendre à reconnaître un acteur autrement relativement inconnu. Si jamais on
venait à le croiser de nouveau, on se ferait la remarque, pour sûr.
Enfin, Skelton Knaggs joue le freaks de services, un de ces personnages étranges à l’allure effrayante dont la série a le secret : comme Rondo Hatton, il jouera la plupart du temps de
son physique osseux et de ses dents en avant dans les films d’horreur (Le vaisseau fantôme, 1943 ou Bedlam, 1946, deux films de Mark Robson). Tel Igor pour le
docteur Frankenstein, il est condamné à jouer les sous-fifres, exécutant les basses œuvres pour d’affreux manipulateurs.
A part sa galerie de trognes bien soupçonneuses, on ne trouve hélas rien de bien terrible dans ce Train de la mort : au suivant !
Ce film est un thriller.
14e et dernier film holmésien de la série Basil Rathbone. Le générique nous annonce un film adapté d'une histoire de Conan Doyle, mais il ne s'agit que d'une inspiration. En effet, Les boites à musique remplace les bustes de Napoléon de l'aventure Les six Napoléon mais la ressemblance s'arrête là.